Réparation d’un ballast éléctronique

Cet été la lampe dans la salle de bain tombe en panne.

Il s’agit d’un tube fluorescent de 56 cm. Il démarre pendant environ 1 seconde mais il ne reste pas allumé. Sans me poser trop de questions je teste avec un autre tube. Le problème reste.

Je m’interroge sur cette opportunité pour changer le tube fluo avec une lampe LED. Hélas je ne trouve aucune lampe LED tubulaire qui pourrait rentrer dans le plexi creux de 16 mm.

 

La lampe est alimentée par un ballast électronique. La panne étant désormais certainement sur ce dernier je regarde si je trouve un équivalent. Oui, c’est le cas. A première vue je pourrais régler cette affaire avec 24€ plus 20€ de frais d’envoi car je n’ai pas réussi à le trouver dans un magasin proche.

C’est le verdict :

  • 44 € pour l’achat
  • 61 g de déchets produits par l’ancien ballast

Ou :

  • Une centaine d’euro pour la nouvelle lampe
  • 500 g de déchets produits par toute la lampe

Mon petit doigt dans le nez est en train de me dire que ni l’une ni l’autre semble me convenir.

J’installe une ampoule provisoire et c’est parti pour une petite aventure (sympa !) de réparation.

Bonne lecture.

Le système est composé de deux éléments :

  • La lampe
  • Le ballast électronique

Il faut d’abord s’intéresser à comment la lampe fonctionne pour que l’on comprenne ce que le ballast doit faire pour elle.

La lampe

Il s’agit d’un tube avec 4 broches, deux à chaque extrémité.

Les deux broches font partie de ce que l’on appelle un culot. Dans ce modèle de tube, le culot est le G5.

La sérigraphie sur le verre indique : F14 T5/860 U03

  • 14 pour la puissance exprimée en Watt
  • T5 pour la technologie
  • 865 pour lRC et la température
  • U03 pour je ne sais pas

IRC (l’indice de rendu de couleur) est exprimé en dizaine de % et le 65 désigne la température de couleur en centaine de kelvins.

Le code 865 désigne un tube d’un IRC de 80% et d’une température de couleur de 6500 K.

Ces deux caractéristiques sont obtenues en choisissant la poudre qui sera utilisée pour recouvrir la paroi intérieure. Les codes commençant par 8 regroupent les lampes dites à triphosphate car la poudre est un mélange de trois unités phosphoriques (sans savoir lesquels).

6500 K est une température de couleur qui rentre dans le groupe de celles dites « daylight ».

T5 indique la dernière technologie de tubes fluorescents, celle dite à amalgame de mercure. La performance du tube fluorescent dépend de la température à laquelle il travaille. Les tubes à technologie T5, qui succède à la T8, ont une moindre dépendance vis-à-vis des basses et hautes températures. Le fonctionnement optimal se situe au milieu d’une courbe qui monte et qui descend. Pour la T5 la température optimale est de 35 °C. Lorsque le tube est intégré dans un plafonnier légèrement étanche, comme dans mon cas par ailleurs, la chaleur produite par la lampe fera monter la température. La température idéale d’un tube T8 est à 25 °C. C’est aussi pour cette raison que dans un plafonnier dans une salle de bain, un tube T5 sera davantage adapté.

Comment fonctionne le tube fluo et plus particulièrement celui-ci de type T5 ?

La surface intérieure du tube est recouverte d’une matière fluorescente (c’est cela qui rend le tube opaque) et dans le tube est pratiqué le vide. Un gaz noble est introduit à très basse pression avec une petite quantité de mercure.

Sur les deux extrémités se trouvent un filament, une électrode. Cette électrode est fermée sur les deux broches du culot.

Le passage d’un courant dans ces filaments excite le gaz qui émet une radiation dans l’ultraviolet. La matière fluorescente reçoit cette radiation et elle la traduit en radiation visible, la lumière. Le choix de cette matière permet de produire une lumière plus froide ou plus chaude selon les nécessitées d’usage.

La lumière, ayant une longueur d’onde supérieure de celle ultraviolette, transportera seulement une partie de l’énergie cédée. La restante se transformera en chaleur qui fera réchauffer le tube.

Je ne vais pas rentrer ici dans la description détaillée dont je ne suis par ailleurs pas un expert. Pour ce travail une synthèse suffira. Le démarrage peut se diviser en trois phases :

  • Glow discharge

Les électrodes sont alimentées. Les électrons dispersés dans le tube accélèrent. Ils se heurtent, ce qui leur fait générer une quantité d’énergie. Une ionisation à avalanche est donc déclenchée. La tension sur les électrodes est très importante, autour de 600V.

  • Glow-to-arc

Il s’agit d’un régime transitoire.

  • Thermal equilibrium
    C’est le fonctionnement à régime nominale. La tension sur les électrodes est descendue, un arc a été créé, il faut le maintenir. Dans certains cas de figure jusqu’à 30 minutes pourraient être nécessaires pour que le régime se stabilise.

Cette surtension d’amorçage était (et peut l’être encore dans certain cas) produite par utilisation d’un composant appelé Starter. La gestion de la tension et du courant sera donc assumée par un composant du schéma appelé ballast ferromagnétique. Avec l’arrivée de l’électronique à état solide, le ballast ferromagnétique et le starter ont été remplacés par un seul élément, le ballast électronique.

Les tubes T5 ont été conçus pour fonctionner avec un ballast électronique. Cette phrase me permet de passer à la suite de l’article, le ballast.

Passons par analyser les informations reportées dans l’étiquette de celui objet de cette réparation.

Je ne trouve aucune information sur la toile concernant cette référence.

Ce que l’on peut déduire en lisant l’étiquette :

  • Le ballast est alimenté par une tension de 230 V/50 Hz
  • Il est conçu pour l’alimentation d’une lampe fluorescente à tube
  • Le tube peut être équipé en trois types de culots différents : G5, 2G7, G24qx
  • La puissance possible est en fonction du culot du tube

Après l’ouverture du boitier, le ballast se présente comme dans la photo.

C’est bien un circuit électronique sur un PCB à double face.

Je me forme (très rapidement et superficiellement) au fonctionnement d’un ballast électronique.

L’idée qu’il faut retenir est la suivante :

  • Le ballast est alimenté par le secteur donc 230V/50 Hz.
  • Il doit être capable de fournir un courant DC de l’ordre de 600 V le temps de l’amorçage. Cette surtension doit être parfaitement maitrisée dans le temps pour ne pas abimer les électrodes.
  • A régime il doit alimenter les électrodes avec une onde carrée de plusieurs dizaines de kHz et d’une centaine de Volt.

Dans la photo l’on reconnait rapidement les différents stades :

  1. Le filtre EMC
  2. Le pont de redressement avec son condensateur de lissage
  3. Un circuit intégré avec tout un tas de condensateurs et résisteurs
  4. Deux MOSFET qui composent un half-bridge. Ce couple de MOSFET compose un circuit oscillateur. C’est eux qui produiront l’onde carrée à haute fréquence
  5. Un stade filtre finale vers la lampe. Les interférences créées par les tubes (courants harmoniques et déphasage dus entre autres à la bobine du ballast), sous forme de parasites, sont nuisibles aux équipements électroniques. Le filtre permet de ne pas les récupérer en retour

Le circuit intégré est un IR2520D dont je trouve plein de documentation. Il s’agit d’un circuit de chez International Rectifier et spécialement conçu pour la construction de ballast électroniques.

La datasheet présente un « Typical Application Diagram ».

Après vérification je m’aperçois que celui que j’ai sous la main implémente d’une manière proche celui présent dans la datasheet. Sur le mien il y a des composants passifs (condensateurs et résisteurs) qui sont absents dans le schéma.

Je connecte le ballast au secteur et je commence avec quelques mesures.

Sur le condensateur de lissage j’obtiens une tension DC de 320V : cela m’indique que le filtre EMC, le pont de redressement et le condensateur lui-même sont en train de fonctionner.

C’est bien ce que je m’attendais car la lampe démarre mais elle ne reste pas allumée.

Le résisteur RSUPPLY est bon, sur le PIN1 j’ai bien la Vcc de fonctionnement de l’IC. L’IC est donc correctement alimenté.

Je débranche le ballast du secteur et je décharge les condensateurs.

Je teste les deux MOSFET : ils ne sont pas en court-circuit et je trouve bien pour les deux la jonction des diodes.

Je peux vérifier par le même procédé que la jonction est présente pour les diodes DCP1 et DCP2.

Je vérifie l’inducteur LRES et je ne peux que dire que je trouve bien une petite résistance. Hélas je ne dispose pas (pas encore 😊) d’un outil dédié pour vérifier l’inductance.

Je continue la recherche et je trouve le Block Diagram du IR2520D.

Entre le VCC et COM je trouve la jonction de la diode Zener.

J’en profite pour effectuer la lecture du fonctionnement. La datasheet est bien réalisée car elle dispose d’un chapitre dédié à chaque régime. Je ne prétends pas de tout comprendre.

Sur les condensateurs SMD il n’y a aucune sérigraphie. En revanche on retrouve des codes sur les résisteurs SMD.

Deux fois 150 et une fois 6802.
Pour les deux résisteurs 150 je mesure une valeur de 15 Ohm.

Sur celle marquée 6802 je mesure un circuit ouvert : j’ai une première piste.

Heureusement que depuis mon dernier passage chez mon opticien préféré je vois mieux qu’une aigle ! Chez Acuitis (centre-ville de Nantes) je me suis acheté une loupe portative de chez Eschenbach d’une qualité extraordinaire. Demandez de Christophe, il saura vous renseigner.

La chance veut que cela soit la RFMIN, la seule présente également dans la datasheet dont je connais donc également les caractéristiques : 68.1K, 1%.

Si c’était ça serait compliqué, car je ne suis pas équipé pour des soudures en SMD et j’avoue que ce n’est pas mon quotidien. J’appelle mon chèr Simone qui m’explique que cela reste une opération compliqué sans les outils. Il est adorable et il me donne quelques conseil pour y arriver malgré tout 🙂 Le travail ne sera pas très professionel mais je ne suis pas en train construire le carte d’un automate qui servira dans un bloc opératoire!

Avec un peu de patience je remplace le résisteur SMD avec un équivalent PTH. Au pire je n’y arriverai pas !

Je branche le tube au ballast et je reconnecte le ballast au secteur. La lampe reste allumée.

Je laisse la lampe allumée pendant 1 heure et tout semble fonctionner correctement, fantastique !

Comme je n’y croyais pas trop j’avais soudé le résisteur d’une manière pas très propre. Je le refais un peu plus propre. Maintenant il n’y a plus rien qui fonctionne.

Le condensateur de lissage à la sortie du ponte de diodes me donne 600 V DC stable.

Je remarque d’avoir causé un court-circuit entre les pins 2 et 3 de l’IC. Je refais les soudures mais la lampe continue à ne pas fonctionner.
Je ne dispose pas d’une sonde différentielle et je n’ai pas envie de prendre le risque de casser l’oscilloscope pour vérifier le signal à la sortie des MOSFET.

Avec une telle tension j’ai dû casser le tube. Je vérifie les broches et j’obtiens effectivement 8.8 Ohm sur un électrode et un circuit ouvert sur l’autre. Le tube est mort.

Petite promenade chez Leroy Merlin et j’achète un tube.

La lampe s’allume et elle le reste. C’est terminé.

Le nouveau tube est un TL5 14/830. Donc :

  • TL5 c’est une optimisation moins énergivore de la première version T5
  • Toujours 14 W
  • 830 donc toujours une poudre triphosphate mais avec une température plus chaude

La lampe montée :

Une photo avec à gauche le résisteur abimé et à droite le nouveau :

Volontairement j’évite une photo du montage finale pour ne pas dégouter le lecteur avec cette soudure d’un résisteur PTH à la place d’un SMD et des câbles qui ont remplacé les pistes abimées.

Ce que je retiens de cette séance de réparation :

  • Nous avons évité 500 g de déchets
  • Le cumul des déchets et du consommable ne dépasse pas les 2 grammes. Cela pour un coût de 0.035 €
  • Je n’ai pas compris l’utilité des composants présents dans le ballast et absents du diagramme typique d’application
  • Hélas je n’ai pas pu prendre le temps pour approfondir le fonctionnement des régimes qui étaient si bien expliqués dans la datasheet
  • J’ai appris plein de nouvelles choses sur le fonctionnement des lampes fluorescentes
  • Je m’interroge sérieusement sur l’état de l’art de la manière de recycler les tubes. Vous avez déjà dû remarquer que dans les déchetteries (et également dans les grandes surfaces) nous jetons les tubes dans des bacs. Si vous regardez dedans il y en a la moitié qui se cassent avant de pouvoir être récupérées. Quid des gaz nobles et du mercure … ? (Erwan et Jérémy, on en parle prochainement)
  • Mais surtout : j’ai passé un excellent dimanche après-midi en cette fin d’été !

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *